Après une résidence de quatorze mois à la cité internationale des arts, Jeanne Lacombe nous convie à visiter son atelier le week-end du 14 au 17 novembre afin d’apprécier ses œuvres récentes qui approfondissent et renouvellent son travail antérieur. L’exposition se compose d’une dizaine de peintures (1) et d’une quinzaine d’oiseaux de céramique et de plâtre de tailles diverses dont la présence peut paraître énigmatique au premier abord.

Et comment appréhender l’omniprésence du vert lumineux de ses paysages et ses horizons immenses et indécis sur lesquels se détachent la silhouette d’une caravane ou d’une maison solitaire au pignon aveugle ?

Née au bord de la mer à Dakar, la veine artistique de Jeanne Lacombe s’est surtout révélée dans l’univers du passage maritime, des no-man’s land frontaliers et l’univers des déplacements. Son premier atelier se situait quai des Chartrons le long de la Gironde à Bordeaux et elle reste attachée à celui qu’elle eut à Tanger lors d’un projet sur le détroit de Gibraltar ainsi qu’un autre qu’elle partagea en 2007 le long du Bosphore avec l’artiste turque Gül Ilgaz. Or la cité internationale des arts de Montmartre avec ses bâtiments posés en pleine verdure—le vert de ses tableaux— au milieu d’un parc à demi abandonné est ce même havre de paix qui au dessus des bruits de la ville invite à la contemplation.

Pour sa recherche sur le thème du transitoire, de la trace et de ce qui fait étape, Jeanne Lacombe commence par des esquisses. Sa série de portraits de résidents un jour de pique nique collectif en est l’illustration. Comme ceux des pensionnaires de la villa Médicis faits à la fin de leur séjour, ce polyptyque est à l’image de la synergie de la cité lors de son passage à Montmartre.

Et c’est tout naturellement vers les pigeons que Jeanne Lacombe a tourné son regard, comme ceux qui picorent les restes laissés par les passants du jardin du Sacré Cœur. Ils sont à l’image de la misère parisienne de ceux qui, chassés par le destin, dorment la nuit devant les portes cochères. Jeanne Lacombe observe leurs mouvements et leurs rituels de survie. Après avoir bâti un pigeonnier en haut d’un échafaudage léger et confectionné un déversoir à graines, elle put de sa fenêtre du premier étage étudier le couple de pigeons qui venait s’y nourrir à la même heure, les prendre en photos et les filmer comme en témoigne la vidéo qu’elle présente.

Avec ses paysages lumineux et son éloge des oiseaux (2), Jeanne Lacombe nous enrichit de sa réflexion pudique et lucide sur un aspect parfois délibérément ignoré de la vie urbaine. Elle en montre la richesse discrète avec un laissé faire proprement artistique et souligne les codes que ces déplacements imprime à l’espace partagé avec une empathie et un sens de la proximité toujours renouvelé.

Marie Cordié Levy
Docteur en histoire de l’art