« MELANCOLIE » huile sur papier, 71/51,5L’origine d’un monde 2016

La relation de Jeanne Lacombe au paysage est la véritable clef d’une recherche picturale qui génère, du dessin à la gouache, de la photographie à la peinture ou encore plus récemment de la sculpture à la céramique, des séries de motifs récurrents. Ils renvoient dans leur naturalisme, leur abstraction ou leur « décoration » à une certaine évidence de la traversée, de la nature. Ils inventent en multipliant les points de vue les fragments constitutifs d’un immense paysage connu et reconnu de tous.

Il y a une immersion quasi instinctive de l’artiste dans le paysage qu’elle parcourt, qu’elle expérimente, une imprégnation atmosphérique autant que culturelle qui nous « HOMMAGE A Mondrian »huile sur papier,100/100entraîne instantanément dans la lumière diaphane de Venise, la troublante étendue du Bosphore ou le voile lumineux du Détroit de Gibraltar. Des espaces de passage, de transition d’un monde à l’autre, d’une culture à l’autre que la peinture, le dessin, la photographie et les mots (les siens et ceux de poètes) viennent documenter. Un groupe de femmes, des camions, un porte container, des oiseaux, des motifs ; autant de notes picturales de voyage qui éclairent la dimension contemplative de cette touche d’humanité et d’attention aux êtres rencontrés durant ces traversées d’ailleurs et de soi.

Chaque expérience artistique et humaine de Jeanne Lacombe est une expérience du déplacement et de la rencontre, une étape à chaque fois essentielle dans la Vue générale sur « LE PLAT PAYS » installation de 150 pièces en porcelaine sur socle , « JARDINS » diptyque, huile sur papie et « LA FALAISE » céramique (L 40 H 24 l 20 ) sur socle bleu et rose Exposition construction de SON paysage. Un questionnement qui ne craint pas d’aller mettre à l’épreuve les savoir-faire et pousser le projet vers d’autres matériaux et techniques.
Entamée en 2013 lors de sa résidence à la Cité des Arts à Paris, la relation avec la céramique devient de plus en plus nécessaire dans le projet global du paysage, ses motifs, sa vision, son extension. Les petites aquarelles, huiles sur papier et les céramiques qui s’organisent alors en dialogues ou petits affrontements exubérants commencent à composer une suite d’instants et de situations inédites. La gouache vive et dynamique provoque les motifs, rythme la jubilation et la spontanéité du dessin. La céramique (ou le plâtre encore) quant à elle, donne à voir, à imaginer les matériaux du paysage, entre végétal et organique, « LE PLAT PAYS » installation de 150 pièces en porcelaine sur socle ( base8 H 15 ) sur socle bois et adhésif Exposition presque incarnés à la sensualité contagieuse.

C’est lors de sa résidence au centre européen de la céramique, le Sundaymorning EKWC aux Pays- Bas fin 2015 que la fusion s’opère. Le temps, la technicité, l’environnement, l’appréhension délogent les certitudes d’un avant-projet vers une totale expérimentation du matériau que Jeanne Lacombe aborde avec esprit et appétit.

Trois mois d’intense activité à l’issue desquels un des ensembles les plus fascinants de l’artiste voit le jour. Car la céramique / la peinture joue ici de tous ses possibles, usant sans crainte et parfois avec délectation « JARDINS » diptyque, huile sur papier, Exposition des qualités autant que des accidents propres à sa technicité. Le résultat est flamboyant. Des pièces uniques, des moulages en accumulation, des transpositions de dessins, des inventions émaillées, faux contenants, formes végétales, formes hybrides, sculptures… Variations vibrantes et sensuelles sur le thème de la nature et du paysage.

Des pots vert, troncs évidés à bec verseur se tiennent sur un socle en granit moucheté dans un alignement forestier incertain, serrés brillamment les uns contre les autres à veiller, à pousser ? La falaise de grès porte en elle comme l’essence de la terre, un pan de géologie arraché, une force compacte, brute qui laisse entrevoir le face à face physique entre l’artiste et la matière. Les pièces uniques modelées, évocations végétales tant dans les formes que dans les couleurs (plantes, arbres) « LA FALAISE » céramique (L 40 H 24 l 20 ) sur socle bleu et rose Exposition glissent vers l’organique dans des volumes plus incertains où l’on sent l’empreinte de la main qui façonne, des formes sur lesquelles l’émail blanc, rose ou bleu dans sa laitance opaque libère la sensualité et la volupté.

Peu importe de trouver une ressemblance avec le réel dans tel motif ou telle forme. L’ensemble des pièces en céramique de Jeanne Lacombe, dans ses expériences et ses «figurations» multiples donne à lire dans sa globalité, la ou les possibilités d’un  paysage dont chaque fragment ou groupe d’éléments nourrit à sa manière le tout. Il faut encore intégrer dans cette éventualité proposée par l’artiste, l’esprit du peintre, l’effet narratif, l’annotation décorative, le mode sériel, la transgression du modèle, l’évidence du risque de cette L'origine d'un monde 2016 Exposition recherche.

Dans ce foisonnement des sculptures et des objets, les rythmes, les tensions y sont structurés, scénographiés pour mieux en capter les complémentarités, les interférences et affirmer un propos intense non seulement du paysage mais aussi de la peinture qui invite en final Mondrian et l’origine du monde en clins d’oeil citatifs.

Brigit Meunier Bosch